Décryptage de la loi Darmanin

Cette loi s’inscrit dans un contexte plus global de régression sociale. Elle a pour objectif d’intensifier la mise en concurrence des travailleuses et travailleurs entre eux quelle que soit leur origine et de fournir au patronat une main d’œuvre vulnérables et corvéables à merci pour leur faire accepter les pires conditions de travail.
Ce n’est pas un hasard que la loi passe en même temps dans l’agenda de l’exécutif de la loi plein­ emploi avec France Travail et son expérimentation RSA rénové. Cette dernière veut imposer aux allocataires du RSA, dans le cadre d’un accompagnement intensif d’une durée minimum de 15h par semaine, du travail sans salaire dans les secteurs dits « en tension ». Les patrons de ces secteurs se voient ainsi mettre à dispositions, des travailleurs précaires sous multiples formes.
A l’heure où le gouvernement entend faire de l’immigration le problème prioritaire et matraque la scène publique de racisme et d’islamophobie, Il faut rappeler aussi que cette loi s’inscrit dans un contexte de vision répressive de l’immigration dans notre pays avec depuis 1945, 117 textes ont été adoptés « sur l’immigration » : 57 lois et ordonnances, 27 décrets, 31 arrêtés et circulaires, 2 conventions internationales.

LA LOI DARMANIN EN 10 POINTS :

1 – L’IMMIGRATION DES TRAVAILLEURS

Toutes les lois se sont calées sur les besoins économiques du pays et du patronat, avec une vision coloniale et néocoloniale de l’utilisation d’une main d’œuvre qu’on prend et qu’on jette selon son « utilité » ponctuelle pour l’économie du pays. « L’immigration choisie » s’impose progressivement comme politique nationale et la loi Darmanin durcit plus encore une longue lignée de régression.
Bref rappel de l’évolution législative des lois pour les travailleurs étrangers :
1945 : immigration encouragée : les étrangers peuvent être régularisés après avoir trouvé un travail
1968 : les régularisations des travailleurs étrangers sont limitées à certains métiers.
1972 : le titre de séjour de l’étranger est lié à son contrat de travail.
1973 : les étrangers ont 3 mois pour trouver un travail.
1974 : l’immigration de travail est suspendue mais il existe des dérogations.
1975 : reprise de l’immigration de travail, limitée aux secteurs sans chômage.
1976 : les étrangers peuvent perdre leur droit au séjour au bout de 6 mois de chômage.
1977 : les étrangers arrivés par le regroupement familial sont interdits de travailler.
1980 : le renouvellement de l’autorisation de travail peut être refusé en raison de la situation de l’emploi.
1984 : création de la carte unique qui dissocie le droit au séjour d fait de travailler. Le séjour de l’étranger n’est plus conditionné au fait de travailler.
2007 : les régularisations de travailleurs étrangers irréguliers sont facilitées dans les secteurs qui peinent à recruter.
2008 : l’immigration économique est facilitée en fonction des régions pour certains métiers qui peinent à recruter.
2021 : restriction des autorisations de travail aux seuls métiers sous tension des secteurs qui peinent à recruter (définis région par région) et offres d’emplois pourvues.
DANS LA LOI DARMANIN :
– Un titre de séjour « exceptionnel » à la discrétion des préfets. Les conditions de régularisation sont durcies : le travailleur devra prouver qu’il a travaillé douze mois dans un métier en tension au cours des vingt-quatre derniers mois. Les travaux étudiants ou saisonniers sont exclus.
– Avant la délivrance d’un titre de séjour, le préfet doit vérifier la nature du travail auprès de l’employeur, l’insertion sociale du demandeur, son respect de l’ordre public, son intégration, son respect des valeurs et principes de la République… Le préfet a la possibilité de refuser la délivrance du titre même si toutes ces conditions sont réunies. La mesure ne s’appliquera que jusqu’à fin 2026.
– Un titre de séjour portant la mention « talent », limité à quatre ans. Il est réservé à des diplômés de niveau bac + 5 ou équivalent, ou conditionné à la demande d’une entreprise innovante reconnue par un organisme public dans le cadre d’un projet de recherche.
– L’exigence d’un casier judiciaire vierge pour la régularisation d’une personne travaillant dans un métier en tension.
– Les étudiants étrangers doivent déposer une caution pour obtenir un titre de séjour et justifier annuellement du« caractère sérieux des études » sous peine du retrait du titre de séjour.


2- DES QUOTAS ANNUELS

Le gouvernement doit présenter chaque année sa politique migratoire devant le Parlement, qui contrôle chaque année la mise en œuvre des mesures engagées. Sont également instaurés des quotas annuels d’immigration

3- LE CONTRAT D’ENGAGEMENT POUR LES TITRES DE SÉJOUR

Tout demandeur d’un titre de séjour doit souscrire « un contrat d’engagement au respect des principes de la République », dans lequel il s’engage à respecter « la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République ». Un demandeur qui refuse de signer ce contrat « ou dont le comportement manifeste qu’il n’en respecte pas les obligations » ne pourra obtenir aucun document de séjour. En cas de manquements graves à ce contrat d’engagement, l’autorité administrative pourra retirer ou ne pas renouveler un titre de séjour.

4- LA PRÉFÉRENCE NATIONALE POUR CERTAINES AIDES SOCIALES

Un certain nombre d’aides sociales et de droit : allocations familiales, aides au logement, droit au logement ne seront plus alloués qu’aux étrangers résidant en France légalement depuis au moins cinq ans, avec une possibilité pour des étrangers de bénéficier de ces aides s’ils peuvent justifier d’au moins trente mois d’activité professionnelle (trois mois pour les APL).

5- L’EXCLUSION DES PERSONNES VISEES PAR UNE OQTF DU DROIT A L’HEBERGEMENT D’URGENCE

Un étranger visé par une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) peut être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence uniquement « dans l’attente de son éloignement ».

6- LA FIN DU DROIT DU SOL

Le droit du sol n’est plus automatique ; les enfants nés en France de parents étrangers devront manifester la volonté, à leur majorité, d’acquérir la nationalité française.

7- RESTRICTION DU REGROUPEMENT FAMILIAL

Un étranger résidant en France ne peut faire une demande de regroupement familial pour ses proches que s’il justifie d’une présence de 2 ans en France, contre dix-huit mois actuellement, et de conditions financières « stables et suffisantes » et « régulières ». Le demandeur et le conjoint concerné par la demande de regroupement familial doivent être âgés d’au moins 21 ans, au lieu de 18 ans actuellement. La loi impose aussi au demandeur de disposer d’une assurance-maladie pour lui et sa famille. Les proches du demandeur doivent justifier d’un niveau de Français permettant « de communiquer de façon élémentaire » pour « satisfaire des besoins concrets ».

8- LE RÉTABLISSEMENT DU DÉLIT DE SÉJOUR IRRÉGULIER

 Le délit de séjour irrégulier, qui avait été supprimé en 2012 est réintroduit. Le délit est sanctionné de 3 750 euros d’amende et d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire.

9- LA SUPPRESSION DES PROTECTIONS CONTRE L’EXPULSION

Les étrangers bénéficiant de la protection quasi absolue : la loi permet de les expulser en cas de « violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République » ou en cas de condamnation définitive pour des crimes ou des délits punis de plus de cinq ans de prison ou trois ans en récidive.
Les étrangers bénéficiant de la protection relative : sont expulsables dès qu’ils ont été condamnés pour des faits punis de plus de trois ans de prison ou s’ils ont commis des violences intrafamiliales ou à ​​l’encontre du titulaire d’un mandat électif public, mais aussi s’ils sont en situation de séjour irrégulier.
La généralisation de la peine d’interdiction du territoire français (ITF) à tous les crimes et délits punis d’au moins trois ans de prison.

10 – LA DÉCHÉANCE DE NATIONALITÉ

Elle concerne, pour le moment, les personnes condamnées définitivement d’homicide volontaire sur une personne dépositaire de l’autorité publique.

le décryptage en PDF

Imprimer cet article Télécharger cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *